Il ne s'agit pas du nom d'un héros de bande dessinée, mais du surnom de deux navires atypiques qui se sont succédés pour sillonner les océans depuis 1975. Marduf pour Marion Dufresne, bien sûr.
Il y eu le Marion Dufresne 1 (à gauche sur la photo) qui a fini sa longue navigation dans un chantier de démolition italien en 2005 après avoir été lancé en 1975 aux "Ateliers et Chantiers du Havre". Il était la propriété des "Messageries Maritimes" qui devinrent la "Compagnie Générale Maritime" (CGM) en fusionnant avec la "Compagnie Générale Transatlantique" (CGT).
Son "petit frère", le Marion Dufresne 2 (à droite sur la photo), a commencé sa carrière de paquebot océanographique et de ravitailleur en 1995 après avoir été construit dans le même chantier normand.
Pour précision, le nom de baptême du Marion Dufresne n'était pas celui d'une fille de Laninon, quartier du vieux Brest, mais bien celui d'un navigateur malouin du 18 ème siècle, Nicolas Marion-Dufresne, qui a fini son voyage dans une soupière maori de Nouvelle-Zélande en 1775. Evolution de carrière assez courante pour cette époque de découvertes et d'approches humanistes, pas encore trop orientés vers des intérêts purement matériels et mercantiles.
Marduf 2, pour revenir à lui, a pour propriétaire et affréteur principal le Préfet des "Terres Australes et Antarctiques Françaises" qui en a confié l'armement à la CMA-CGM (Compagnie Maritime d'Armement) pour assurer la logistique de ses îles Eparses et Subantarctiques. Pas d'habitant permanent sur ces îles, mais des bases peuplées d'une population hétérogène et complémentaire de spécialistes, civils et militaires. Ils associent leurs compétences professionnelles pour assurer la présence française et mener des activités scientifiques dans des conditions de sécurité et de confort compatibles avec un isolement géographique et combiné à une météorologie délicate.
Et l'océanographie dans tout cela ? Vieille histoire qui remonte au fier navire "Gallieni", cargo mixte des "Messageries Maritimes". Du temps des colonies, ce type de bateau transportait de Marseille vers l'Orient (moyen et extrême) marchandises, fonctionnaires, militaires et autres passagers. Dans les années cinquante et soixante du siècle dernier, le Gouverneur de Madagascar avait les Terres Australes sous sa responsabilité, et le "Gallieni" était affrété pour desservir les îles, une fois par an.
Des équipes malgaches étaient déjà embarquées (uniquement dans l'Océan Indien) pour compléter l'effectif du personnel navigant. Les embarquements et chargements se faisant au départ de Marseille, certains passagers ont alors songé à profiter de ces grands voyages logistiques pour "faire de la science". C'est ainsi qu'un sondeur bathymétrique, un thermosalinographe et quelques autres capteurs ont été installés.
Les premières cartes de détail de plusieurs sites des Kerguelen ont été levées à cette époque. Certaines d'entre elles sont encore utilisées de nos jours.
Ensuite, les deux générations de "Marduf" prirent le relais. Ils furent construits en tenant toujours compte d'une vocation de transport de passagers, de vivres, de matériaux divers, d'hélicoptères et de carburant mais les impératifs scientifiques furent largement intégrés au projet. L'IPEV (Institut Paul-Emile Victor) est actuellement sous-affréteur du Marion Dufresne 2, il en a la charge 217 jours par an pour le mettre à la disposition de campagnes océanographiques hauturières.
Le transport de canards vers les îles, de manchots vers les zoos et de puces infectées pour éradiquer les blo(s)* n'est plus d'actualité. Les outils scientifiques sont en constante évolution pour faire progresser la compréhension et la connaissance globalisée de notre vieil océan. La difficile situation économique mondiale et nationale n'épargne pas la recherche en mer. Il y a cependant espoir et projet de voir un Marduf prématurément usé par un vécu riche et dynamique bénéficier d'une cure de jouvence pour continuer à servir la Flotte Océanographique Française avec un bon niveau technologique et à assurer son service des îles et des districts taafiens.
*blo = bête à longues oreilles, cousin du lièvre. Des couples prolifiques étaient lâchés sur les îles par les premiers navigateurs pour servir de garde manger à d'éventuels naufragés.