Résumé


La campagne SMOOTHSEAFLOOR se déroulera dans la partie orientale de la dorsale sud-ouest indienne. L’objectif phare de cette campagne est de déterminer la géologie d’un nouveau type de plancher océanique « non-volcanique » découvert en 2003 lors d’une campagne précédente.

dimanche 31 octobre 2010

Sous le fond de la mer, la vie continue

Très en dessous du fond des océans, nichée dans les pores et les fractures des roches de la lithosphère océanique, une intense vie microbienne semble se développer en l'absence de toute lumière, jusqu'à des profondeurs de plusieurs kilomètres. Les microorganismes sont en effet capables de coloniser même les environnements les plus extrêmes de notre planète et ceci, tant que la température (<120°C), la présence d'eau, la porosité, la disponibilité des sources de carbone et d'énergie le permettent.

Découverte il y a une dizaine d'années, cette vie intraterrestre semble ne rien avoir d'anecdotique: elle pourrait représenter la moitié de la biomasse du globe, soit autant de carbone organique que ce que l'on trouve à la surface de la Terre. Les études récentes sur les sédiments et les basaltes océaniques montrent que l'on peut y répertorier un grand nombre d'espèces très adaptées aux caractéristiques biochimiques et physiologiques uniques. Pour se développer, les écosystèmes de ces environnements puisent leur énergie métabolique des fluides hydrothermaux qui circulent ou directement des minéraux des roches, en les altérant. La source de carbone peut, quant à elle, être complètement inorganique s'il s'agit du CO2 dissous issu de l'eau de mer ou des fluides magmatiques profonds, ou être héritée de niveaux plus superficiels s'il s'agit de carbone organique sédimentaire.
Dans cette perspective, les péridotites de la lithosphère océanique présentent un intérêt tout particulier. En effet, lors de leur  interaction avec l'eau de mer, ces roches ont la capacité de générer d'importantes quantités d'hydrogène, du fuel pour le vivant, et ceci au travers de la réaction d'hydratation des silicates de magnésium et de fer (olivine, pyroxènes). Cet hydrogène, combiné au dioxyde de carbone, pourrait être à la base du développement de communautés dites chimiolithoautotrophes, premier échelon de ces écosystèmes  intraterrestres. A plus haute température, si cet hydrogène réduit le CO2, la serpentinisation peut également s'accompagner d'une production d'hydrocarbures légers et en particulier de méthane. Ces réactions de type Fischer-Tropsch sont totalement abiotiques mais doivent également être considérées dans ces approches car elles peuvent fournir des substrats métaboliques aux écosystèmes profonds.

Malgré l'importance de ces habitats potentiels, très peu d'études (géo)microbiologiques ont été menées jusqu'à présent dans ces environnements, comparé aux systèmes basaltiques de la croûte océanique ou aux sédiments associés. Il n'existe dès lors pas de preuves directes de l'existence de ces niches microbiennes nourries par les volatiles du manteau terrestre et de nombreuses questions simples restent encore en suspens : quelle peut être l'étendue de cette colonisation microbienne, sa nature et son taux d'activité ? jusqu'à quelles profondeurs ces systèmes se développent-ils ? combien de temps cette vie persiste une fois que l'activité hydrothermale a décliné et que la roche a vieilli ? quels extrêmes physiques et chimiques sont capables de tolérer ces microorganismes ? quelle peut être la productivité primaire des populations microbiennes dans ces environnements ? quels sont les facteurs physico-chimiques qui limitent cette productivité ? quel rôle ces microorganismes ont dans la fixation du carbone, le recyclage élémentaire entre l'océan et la croûte terrestre ainsi que l'évolution géologique de la lithosphère ? constituent-ils une piste intéressante pour comprendre comment, il y a plus de 3 milliards d'années, la vie est apparue sur la Terre Archéenne inhospitalière ?

C'est pour rechercher des indices d'une présence microbienne dans les péridotites hydratées de la lithosphère océanique que des géomicrobiologistes de l'IPGP et de l'Università di Modena e Reggio Emilia (Italie) ont rejoint l'équipe de SMOOTHSEAFLOOR. Si à bord l'essentiel du travail consiste à conditionner de manière appropriée les échantillons en limitant au maximum le risque de contamination, de retour au laboratoire, de nombreuses techniques de spectroscopie et de microscopie seront mises en œuvre pour rechercher dans ces roches des reliques d'une activité microbienne passée (présence de molécules biologiques ou de biominéraux). Cela permettra de poser les premières bases du fonctionnement des écosystèmes microbiens au sein de ces environnements ultramafiques encore peu explorés, d'évaluer leur rôle éventuel dans les processus d'altération des silicates du manteau et de cristallisation de nouvelles phases et leur impact potentiel dans les cycles biogéochimiques globaux.

mercredi 27 octobre 2010

Smoothseafloor : nos premiers résultats

Après avoir collecté des images TOBI sur plus de 600 km et avoir dragué 18 fois les pentes des rides allongées du "smooth seafloor" nous pouvons apporter quelques éléments de réponse quant à la nature du plancher océanique dans notre première zone d'étude.
Les images TOBI ne montrent que très peu d'édifices volcaniques, essentiellement localisés aux extrémités de ces rides allongées. La plus grande partie des deux versants de ces rides montre des surfaces, soit très lisses soit avec une texture moutonnée, et surtout très réfléchissantes (très brillantes sur les images TOBI cf image 3D). Ces pentes très réfléchissantes se rencontrent aussi bien dans la vallée axiale que dans les parties les plus vieilles de notre zone d'étude où pourtant nous nous attendions à ce que les sédiments obscurcissent les images TOBI en estompant au moins partiellement les formes du relief.
De nombreuses figures d'érosion (comme des talus d'éboulis, des loupes d'arrachement etc..) sont observées et montrent l'instabilité de ces pentes. Les dragages sur les deux versants des rides allongées ont permis de collecter plusieurs centaines de kg de roches : presque uniquement des péridotites du manteau, plus ou moins altérées (avec des veines de serpentines) et déformées. Certains échantillons de roches sont recouverts d'une croûte de manganèse qui leur donne un aspect arrondi, noir, presque brillant. Par ailleurs, les premières analyses des échantillons d'eau prélevés par CTD montrent des concentrations anormales en manganèse proches du fond. Ces concentrations pourraient être expliquées par une altération hydrothermale des roches du manteau. Une de nos hypothèses est que la présence d'éboulis de taille pluricentimétrique recouverts de croûtes de manganèse pourrait expliquer la nature très réfléchissante des versants des rides allongées sur les images TOBI. Si aucun plan de faille n'est observé directement, car trop érodé, l'observation répétée de péridotites du manteau dans nos dragues rend la présence de failles nécessaire pour exhumer ces roches sur le plancher océanique.
Reste alors à expliquer la genèse et l'évolution des rides allongées du "smooth seafloor" par ces systèmes de failles à vergence opposée.
L'analyse détaillée des données (images TOBI, données bathymétriques, anomalies magnétiques, échantillons d'eau et roches draguées) que nous effectuerons à terre visera à proposer un modèle cohérent de mise en place du "smooth seafloor".


lundi 25 octobre 2010

Petite Marduf story ... Océan Iles Science logistique

Il ne s'agit pas du nom d'un héros de bande dessinée, mais du surnom de deux navires atypiques qui se sont succédés pour sillonner les océans depuis 1975. Marduf pour Marion Dufresne, bien sûr.



Il y eu le Marion Dufresne 1 (à gauche sur la photo) qui a fini sa longue navigation dans un chantier de démolition italien en 2005 après avoir été lancé en 1975 aux "Ateliers et Chantiers du Havre". Il était la propriété des "Messageries Maritimes" qui devinrent la "Compagnie Générale Maritime" (CGM) en fusionnant avec la "Compagnie Générale Transatlantique" (CGT). 

Son "petit frère", le Marion Dufresne 2 (à droite sur la photo), a commencé sa carrière de paquebot océanographique et de ravitailleur en 1995 après avoir été construit dans le même chantier normand.

Pour  précision, le nom de baptême du Marion Dufresne n'était pas celui d'une fille de Laninon, quartier du vieux Brest, mais bien celui d'un navigateur malouin du 18 ème siècle, Nicolas Marion-Dufresne, qui a fini son voyage dans une soupière maori de Nouvelle-Zélande en 1775. Evolution de carrière assez courante pour cette époque de découvertes et d'approches humanistes, pas encore trop orientés vers des intérêts purement matériels et mercantiles.

Marduf 2, pour revenir à lui, a pour propriétaire et affréteur principal le Préfet des "Terres Australes et Antarctiques Françaises" qui en a confié l'armement à la CMA-CGM (Compagnie Maritime d'Armement) pour assurer la logistique de ses îles Eparses et Subantarctiques. Pas d'habitant permanent sur ces îles, mais des bases peuplées d'une population hétérogène et complémentaire de spécialistes, civils et militaires. Ils associent leurs compétences professionnelles pour assurer la présence française et mener des activités scientifiques dans des conditions de sécurité et de confort compatibles avec un isolement géographique et combiné à une météorologie délicate. 

 Et l'océanographie dans tout cela ? Vieille histoire qui remonte au fier navire "Gallieni", cargo mixte des "Messageries Maritimes". Du temps des colonies, ce type de bateau transportait de Marseille vers l'Orient (moyen et extrême) marchandises, fonctionnaires, militaires et autres passagers. Dans les années cinquante et soixante du siècle dernier, le Gouverneur de Madagascar avait les Terres Australes sous sa responsabilité, et le "Gallieni" était affrété pour desservir les îles, une fois par an.

Des équipes malgaches étaient déjà embarquées (uniquement dans l'Océan Indien) pour compléter l'effectif du personnel navigant. Les embarquements et chargements se faisant au départ de Marseille, certains passagers ont alors songé à profiter de ces grands voyages logistiques pour "faire de la science". C'est ainsi qu'un sondeur bathymétrique, un thermosalinographe et quelques autres capteurs ont été installés.

Les premières cartes de détail de plusieurs sites des Kerguelen ont été levées à cette époque. Certaines d'entre elles sont encore utilisées de nos jours.


Ensuite, les deux générations de "Marduf" prirent le relais. Ils furent construits en tenant toujours compte d'une vocation de transport de passagers, de vivres, de matériaux divers, d'hélicoptères et de carburant mais les impératifs scientifiques furent largement intégrés au projet. L'IPEV (Institut Paul-Emile Victor) est actuellement sous-affréteur du Marion Dufresne 2, il en a la charge 217 jours par an pour le mettre à la disposition de campagnes océanographiques hauturières.

Le transport de canards vers les îles, de manchots vers les zoos et de puces infectées pour éradiquer les blo(s)* n'est plus d'actualité. Les outils scientifiques sont en constante évolution pour faire progresser la compréhension et la connaissance globalisée de notre vieil océan. La difficile situation économique mondiale et nationale n'épargne pas la recherche en mer. Il y a cependant espoir et projet de voir un Marduf prématurément usé par un vécu riche et dynamique bénéficier d'une cure de jouvence pour continuer à servir la Flotte Océanographique Française avec un bon niveau technologique et à assurer son service des îles et des districts taafiens.


*blo = bête à longues oreilles, cousin du lièvre. Des couples prolifiques étaient lâchés sur les îles par les premiers navigateurs  pour servir de garde manger à d'éventuels naufragés.

samedi 23 octobre 2010

Le champ magnétique terrestre, une histoire de polarité

Un des volets de la campagne consiste à étudier le champ magnétique terrestre à l'aplomb de la dorsale sud-ouest indienne. Le champ magnétique permet de s'orienter dans l'espace en nous indiquant le Nord mais, en sciences de la Terre, son étude est également primordiale pour la compréhension de la tectonique des plaques. En effet, le champ magnétique subit des changements de polarité au cours des temps géologiques, c'est à dire que le Nord et le Sud magnétiques se substituent l'un à l'autre. Ces évènements sont très courts d'un point de vue géologique (environ 10 000 ans) et se reproduisent de façon périodique (tous les millions à quarante millions d'années). D'autre part, les basaltes produits à la dorsale océanique possèdent des minéraux ferromagnétiques qui s'orientent selon les lignes de champ de la même façon que l'aiguille d'une boussole. Ils se figent lors de leur refroidissement et enregistrent ainsi "l'histoire" du champ magnétique. La succession de ces changements de polarité dans les basaltes entraine, à l'aplomb de ceux-ci, la formation d'infimes variations du champ appelées anomalies magnétiques. A chaque changement de polarité et donc à chaque anomalie magnétique correspond un âge bien précis ce qui permet de dater le plancher océanique. Cette datation est très importante car elle nous donne le taux d'ouverture de la dorsale océanique, et nous montre que les plaques tectoniques sont en mouvement. La figure ci-dessus représente l'âge de la croute océanique (en millions d'années) déduit de l'étude des anomalies magnétiques.


Nous utilisons un instrument appelé magnétomètre pour mesurer le champ magnétique. Il est remorqué à environ 350 mètres derrière le bateau pour éviter toutes perturbations liées à la masse métallique de  celui-ci. La photo ci-contre est prise lors de la mise à l'eau de l'instrument. Nous disposons à la fois d'un magnétomètre de surface (photo) et d'un magnétomètre installé sur le TOBI. Le TOBI étant  remorqué plus en profondeur, il sera plus proche des sources  d'anomalies magnétiques et permettra d'obtenir de meilleures données.

vendredi 22 octobre 2010

Entre deux quarts... ou deux parts de quatre-quarts

A bord du Marion Dufresne, les journées des scientifiques et membres de l'équipage s'organisent en quarts de deux fois 4h, entrecoupés de périodes où chacun peut utiliser son temps pour se reposer, se détendre, se divertir ou se dépenser. Pour recharger ses batteries avant le quart suivant, rien de tel qu'une petite sieste ou un brin de lecture sous le magnifique ciel bleu de l'Océan Indien. Depuis quelques jours, nous avons même la possibilité de nous relaxer en barbotant dans la piscine, quasi olympique, située sur le pont avant du Marion Dufresne. Pour le trop plein d'énergie, lorsque les muscles n'ont pas été mis à mal par le triage et sciage des quelques centaines de kilos de cailloux récupérés à chaque drague, il y a la salle de sport, où il est possible de courir ou pédaler avec vue sur l'océan, ou le terrain de badminton situé dans les cales du bateau, très en vogue à partir de 16h. En début de soirée, nous avons quelques fois la chance d'assister à des concerts de groupes musicaux internationaux, avant de profiter de notre petit plaisir quotidien, le coucher de soleil... La soirée se termine le plus souvent par quelques parties endiablées de baby-foot avant de se détendre par une séance cinéma, le bateau possédant un grand choix de films.


jeudi 21 octobre 2010

La serpentinisation des péridotites

Certains des échantillons de péridotites que nous avons récoltés au cours des nombreuses dragues ne sont plus réellement des péridotites, mais ce qu'on appelle des serpentinites. Les serpentinites sont des péridotites qui ont été hydratées par interaction avec l'eau de mer et/ou des fluides qui circulent dans la croûte océanique. Ce processus d'hydratation, appelé serpentinisation, consiste à transformer les minéraux magmatiques ferro-magnésiens de la péridotite, olivine et pyroxène, en un nouveau minéral, la serpentine. La serpentine étant un silicate de magnésium hydraté (Mg3Si2O5(OH)4), le fer contenu dans l'olivine initiale va être utilisé pour former un oxyde de fer, la magnétite (Fe3O4). Les deux minéraux nouvellement formés vont s'agencer en une texture maillée caractéristique des serpentinites (zone verdâtre avec de fines veines noires de magnétite sur la photo), modifiant ainsi la texture primaire de la péridotite.

La serpentinisation est une réaction exothermique : la chaleur ainsi dégagée par la serpentinisation totale de 1 kg de péridotite est de 250 Joules, permettant d'élever la température d'un litre d'eau d'environ 50 degrés dans des conditions de température et de pression ordinaires. Par ailleurs, la serpentinisation est un processus qui, en plus de conduire à une transformation minéralogique de la roche initiale, entraîne une modification des propriétés physiques (densité, vitesse de propagation des ondes sismiques, propriétés magnétiques, rhéologie,...). En effet, lors de la serpentinisation, le volume de la roche augmente de 30%, diminuant par conséquent la densité, de 3300 kg/m3 pour une péridotite fraîche à 2600 kg/m3 pour une serpentinite.

Parallèlement, la vitesse de propagation des ondes sismiques diminue au cours de la serpentinisation : de près de 8 km/s dans les péridotites fraiches, à environ 5.5 km/s dans les serpentinites. La formation de magnétite au cours de la serpentinisation s'accompagne d'une forte augmentation de la susceptibilité magnétique de la roche, c'est à dire de sa capacité à s'aimanter. Enfin, la serpentine est moins résistante à la déformation que l'olivine ou les pyroxènes. En effet, 15-20% de serpentine dans une péridotite suffisent ainsi à diminuer la résistance de la roche à la déformation, et peuvent en particulier faciliter le mouvement des failles.

Enfin, une dernière conséquence de la serpentinisation, liée à la formation de la magnétite, est la production d'hydrogène (H2). Cet hydrogène, très souvent associé à du méthane (CH4), est retrouvé en grandes concentrations dans les fluides des systèmes hydrothermaux situés sur des massifs de péridotites serpentinisées le long des dorsales lentes. L'hydrogène et le méthane pourront ensuite être utilisés comme source d'énergie par les microorganismes qui colonisent le système hydrothermal.

mercredi 20 octobre 2010

Les cuisines du Marion


Soixante quatre personnes à bord, soit 2176 déjeuners, 2176 dîners, et 2176 petits déjeuners à prévoir pour les 34 jours de la campagne! Et encore, c'est un service calme : pendant les rotations des Terres Australes, ce sont chaque fois plus de 150 personnes qui embarquent pour plusieurs semaines. C'est la rude tâche de Loïc (Le Bechec, chef cuisinier, à gauche sur la photo) et de ses assistants Jackson (Andrianiaina, second cuisinier, devant), Roger (Rakotonindri, second cuisinier, second sur la droite), et Tsiry (Rakotoarivo, assistant cuisinier, à droite).


Loïc, le Chef, est un ancien du Marion. Il a été garçon, barman, puis il a passé le diplôme de cuisinier de la marine marchande et le CAP de cuisinier. Depuis il est maitre des papilles du bord, agence les menus et règne sur une réserve de plus de 450 produits d'épicerie, viandes, poissons, légumes frais et surgelés. A bord chaque fois pour 3 mois et demi, entrecoupés de périodes de repos, il voit souvent passer 2 bordées pour l'équipage, et plusieurs groupes de scientifiques ou d'hivernants des Terres Australes. Il a d'ailleurs lui même goûté des plaisirs austères de l'hivernage dans le grand Sud, pendant 13 mois cuisinier de la base antarctique Concordia en 2005-2007. 





Ses principes  pour la cuisine du bord : utiliser souvent des produits locaux embarqués lors des escales réunionnaises, et multiplier les recettes pour que chaque menu soit différent. Par exemple aujourd'hui, nous aurons des christophines, un légume tropical vert (photo) qui a un peu le goût des cardes, cuisinées avec un mirepoix de haricots verts, carottes, gingembre et oignons. Depuis le début de la campagne, il y a 3 semaines, nous les avons déjà dégustées à la créole, puis en gratin avec des épinards.... Humm!



 Avec seulement deux végétariens stricts à bord, ce sont aussi près de 15 kg de poissons ou de viandes qui sont consommés chaque jour, sans compter les gâteaux, glaces, fruits et fromages (coût total par personne: 11 euros/jour). Toutes ces victuailles sont stockées dans 4 chambres froides, derrière la cuisine : une à 12° pour les produits frais (en ce moment les oignons y germent avec entrain), et 3 à -23° pour les poissons, viandes, légumes congelés, et pour le pain que nous dégustons fraîchement cuit chaque jour.




Pour achever de vous rassurer sur le doux traitement réservé à bord à nos petits estomacs, voici le menu du jour, mercredi 20 octobre 2010, à déguster en deux services du déjeuner (11h et 12h15), puis deux services du dîner (19h et 20h15), bien assis à table et habilement servis par Jacques (Scias, le Maître d'Hotel), et Andriambeloson (Hasimanjaka, Garçon).


mardi 19 octobre 2010

La drague: comment conclure

Une fois la drague remontée à bord et les roches charriées sur le pont arrière, il faut passer, de jour comme de nuit, au stade du tri et de la reconnaissance des échantillons collectés. Petits et gros morceaux sont passés au crible, seule une coupe à la scie permettant le plus souvent de révéler leur nature exacte. Vient ainsi le temps des pétrologues traquant d'un oeil curieux ces roches fraichement coupées, afin de déceler des minéraux frais, espoirs d'analyses géochimiques ultérieures, ou un plan de cisaillement, révélateur d'une déformation passée.


La première étape consiste à classer les blocs par types, en fonction de leur lithologie, après les avoir sciés. Cette phase importante peut se révéler acrobatique les journées de forte houle (la scie se trouvant sur une coursive extérieure du bateau), mais pour le moment nous sommes restés chanceux, le beau temps étant de la partie. Une fois la nature de chaque bloc déterminée, vient l'étape de description plus détaillée de chaque échantillon. Cette étape nous permet de déterminer, à l'oeil nu, à la loupe ou à la binoculaire (pour un plus fort grossissement), les principaux minéraux présents dans chaque échantillon et si celui-ci a été affecté par des épisodes de déformation. Cette description est transcrite et accompagnée d'une photo de l'échantillon, une fois qu'un numéro lui a été attribué. Cette classification et description détaillée des échantillons permettront ensuite au chercheur de sélectionner les échantillons pour les études et analyses qui seront réalisées une fois de retour à terre.




lundi 18 octobre 2010

TOBI à bord du N/O Marion Dufresne (version française)

Le TOBI (Towed Ocean Bottom Instrument) est basé au National Oceanography Centre de Southampton (Royaume Uni). Cet instrument permet d'effectuer des levés cartographiques très détaillés dans des zones très profondes. Il utilise une technologie mixte de sonar latéral et de sondeur bathymétrique afin de produire des images du relief sous marin de haute qualité. Des scientifiques de nombreux pays utilisent le TOBI dans des programmes de recherche pilotés par des organismes gouvernementaux, des instituts de recherche ou des entreprises privées. Le TOBI peut être mis en oeuvre jusqu'à des profondeurs de 6000m et possède un sonar latéral (30kHz) de haute résolution (jusqu'à 3m) qui permet d'imager une bande de 6km de largeur sur le fond avec une possibilité d'obtenir des données bathymétriques. Le TOBI comporte de nombreux instruments comme un sondeur de sédiments (6-10 kHz) qui permet d'imager les sédiments sur une épaisseur allant jusqu'à 70 m avec une résolution métrique. Une sonde CTD (Conductivité, Température, Profondeur), un magnétomètre 3 composantes, un néphélomètre mesurant la turbidité, et quelques autres instruments plus spécifiques pour la biologie et la chimie des eaux complètent le système.



Le poids du TOBI est d'environ 2,5 tonnes à terre mais flotte dans l'eau grâce à des mousses de flottabilité. Sa capacité d'équipement embarqué est de 400 kg et son architecture ouverte permet de rajouter aisément des instruments supplémentaires. Le contrôle de l'alimentation et des signaux collectés se fait par l'intermédiaire d'un câble co-axial unique à l'intérieur d'un câble acier de plus de 10 km de long (le rapport entre la longueur de câble filé et la profondeur du TOBI en opération est de l'ordre de 1.6 pour 1).




Le TOBI est piloté par son équipe technique (de gauche à droite: Duncan, Dave & Andy). Quand le TOBI est à l'eau son pilotage est assuré 24H sur 24 et 7 jours sur 7 avec un travail en quarts (2x4H avec intervalle de 8H). Les tâches des opérateurs est de suivre les paramètres de contrôle du TOBI et de le maintenir à sa profondeur d'utilisation optimale (350 - 600 mètres du fond en fonction de la rugosité du relief sous marin) avec une vitesse du bateau qui ne doit pas dépasser 1.5 à 3.0 noeuds (en fonction de la longueur filée du câble dans l'eau). Le contrôle de la position du TOBI se fait uniquement par l'intermédiaire de la longueur du câble filée et de la vitesse du bateau.


Les données des deux sonars latéraux (à bâbord et tribord) sont corrigées de la distorsion géométrique avant d'être visualisées sur un écran de haute résolution (le 2ème à gauche) et une imprimante thermique (en dessous). Les données du sondeur de sédiments sont visualisées directement sur un écran (1er à gauche) et indique à la fois l'altitude du TOBI au dessus du fond et permet de voir les couches sédimentaires. Les valeurs des données des autres capteurs sont affichées sur deux autres écrans (1er & 2ème à droite) afin de faciliter la navigation du TOBI et de contrôler l'état des instruments.


Toutes les données sont enregistrées sur des disques magnéto-optiques puis sont archivées sur des CD /DVDs. Ces données peuvent être rejouées à bord pour produire des mosaïques d'images géoréférencées de
la zone d'étude. Ces images peuvent ensuite être traitées à terre sur des stations de travail plus puissantes.

Un produit final typique est montré ci-dessous (coulées de débris volcanique venant de l'île de Stromboli, campagne TOBI à bord N/O Urania en 1998). Chaque bande TOBI est large de 6 km. On peut voir ici 2 bandes et demi qui se succèdent d'Est en Ouest pour cartographier l'ensemble des coulées de débris volcaniques (en clair) qui peuvent s'étendre jusqu'à 12 km.

TOBI on R/V Marion Dufresne

TOBI (Towed Ocean Bottom Instrument) is based at the National Oceanography Centre in Southampton. TOBI provides high-resolution deep-sea surveys, using co-registered side-scan and swath bathymetry technology, to provide high quality three-dimensional images of the sea floor. Marine scientists use it worldwide on behalf of government departments and agencies, research institutes and industry. TOBI operates to depths of 6,000 metres and incorporates a 30 kHz, 6 km swath, high resolution side-scan sonar with swath bathymetry capability, and carries a variety of other scientific instruments; Sub-bottom chirp (6-10 kHz) profiler (up to 70 m penetration of sediment layers and sub-metre resolution), CTD (Conductivity, Temperature, Depth), 3-axis fluxgate magnetometer, LSS turbidity sensor, custom self logging devices (biological and chemical sensors)- application specific.



The TOBI vehicle weighs around 2.5 tonnes in air but is neutrally buoyant in water owing to its complement of syntactic foam. It has a total payload capacity of 400 kg and an open frame construction that simplifies the addition of extra instrument packages. Power, data and control signals are multiplexed on to a single coaxial cable contained within the steel torque balanced towing wire of up to 10 km in length (tow cable length to operating water depth is around 1.6:1 ratio).



TOBI is "flown" by its technical staff (left to right; Duncan, Dave & Andy) on a 4 hour on, 8 hour off watch keeper rota 24/7 during the time it is in the water. Duties include monitoring and controlling optimum altitude (350 - 600 metres depending on roughness of seabed terrain) and ship's speed (1.5 - 3.0 knots depending on tow cable length in the water). The only two controls for TOBI's flying altitude are tow cable length and ship's speed.





Data from the two side-scan channels (port & starboard) are corrected for geometric distortion before being displayed on both a high-resolution monitor (2nd left) and thermal paper record (below display). Sub-bottom profiler data are displayed directly to an on-line monitor (1st left) as a measure of vehicle altitude (used for flying), and to reveal sub-bottom reflections. Data from other sensors are displayed in digital form on 2 monitors (1st & 2nd right) to aid flying the vehicle and to observe instrumentation performance.


All data from the vehicle are stored on magneto-optical disks which are archived (burned) to compact disks / DVDs. These can be replayed to produce a corrected and geographically indexed mosaic of the surveyed area. Further image processing can be carried out on more powerful workstations.

A typical end product of image mosaicing is shown below (volcanic debris flow off the island of Stromboli, TOBI on R/V Urania 1998). Each TOBI image swath is 6 km wide and here we can see 2&1/2 swaths, with overlap for continuity, merged with a contour map of the island of Stromboli. The high intensity parts of the image show debris flows of up to 12 km.


vendredi 15 octobre 2010

Médecin de Bord


Je soussignée Dr JUBERT Isabelle, Médecin de bord, certifie que l'état de santé des scientifiques de la mission Smoothseafloor, ne présente pas ce jour de contre-indication médicale apparente à poursuivre leur mission. Après deux jours un peu houleux et nauséeux, tout le monde mange et s'hydrate sans difficulté... voir même avec grand plaisir.....  La première vague d'atchoum et maux de gorge semble derrière nous. 

Je suis médecin généraliste remplaçante sur l'île de la Réunion, Médecin du sport et Médecin de montagne (saison d'hiver en station en métropole). C'est mon premier embarquement sur le Marion et finalement les risques liés à l'environnement "marin" ressemblent beaucoup à ce que je fais d'habitude... Les activités à bord deviennent vite sportives et parfois glissantes, comme en témoignent certains bleus et petits traumatismes.
L'hôpital du Marion est très bien approvisionné. Une pharmacie, une chambre d'hospitalisation avec vue sur mer et une salle de consultation/intervention équipée notamment d'un vieux stérilisateur dans lequel je fais des gâteaux banane.

Avant le début des sessions de dragues, j'ai organisé pour ceux qui le désiraient des ateliers de formation : 
- Indication et utilisation d'un défibrillateur.
- Présentation d'Anne; notre super mannequin toujours prête pour un petit massage cardiaque et coup de poing sternal.
- Suture sur cuisse de poulet, don de Loïc le cuisto.
- Initiation aux injections sous-cutanées, intramusculaire et pose de perfusion.
Merci à l'équipe pour leur participation active et chaleureuse. Je sais maintenant que je pourrais compter sur de bons assistants. Et surtout merci à l'équipe de me faire partager leurs travaux et connaissances.

jeudi 14 octobre 2010

Le 8-12

De quart de 8h à midi et 20h à minuit, les membres en sont (de droite a gauche) : Julie, Chris, Vivien, Alain, Andy (en tenue de rouge de TOBI), Bénédicte. Nous bénéficions très souvent du soutien et de la bonne humeur d'Etienne et Duncan et bien sur de Mathilde (photo suivante) et de Dan (photo à venir) , les deux co-chefs de la campagne.

Aujourd'hui, jeudi 14 (jour des croissants), la première phase des  opérations TOBI se termine. Direction le coeur de la dorsale car  dragues et mesures CTD reprennent ce soir.


Les sites des CTD ont été sélectionnés de façon à détecter d'éventuels  panaches de gaz et particules dissous, signe d'une activité  hydrothermale à l'axe. Ceci va permettre à la « TOBI team » (Andy,  Duncan, Dave, soutenus par Chris) de décompresser alors que la « CTD  team » entre en action (Vivien et Dominique). Pour le reste du quart,  retour sur la coursive pour trier, scier et sélectionner les  échantillons les plus représentatifs voire exotiques de chaque drague. Combi de travail et chaussures de chantier de rigueur ! C'est l'occasion pour les moins aguerris dans le domaine de la pétrologie, d'affiner leurs connaissances à un rythme effréné.


Que de péridotites !

La première session de dragage a été bien fructueuse. Sur 5 dragues, plus d'une tonne de roche a été ramassée puis classée, numérotée et décrite à bord, avant d'être soigneusement emballée pour être étudiée de manière plus approfondie à terre.

Toutes les roches récoltées, mis à part quelques brèches et sédiments (<5%), sont des péridotites qui présentent une forte altération liée aux nombreuses circulations de fluides (essentiellement d'eau de mer) qui les ont traversé. Mais qu'est-ce exactement qu'une péridotite ?

Une péridotite est une roche composée d'un assemblage de minéraux dominé par l'olivine, également appelée péridot, et qui est accompagnée, en proportions variables, de pyroxènes et quelques % d'autres minéraux accessoires (oxydes). Cette roche constitue le manteau terrestre sur ses premiers 400 km - le manteau représentant environ 70 % de la masse du Globe et s'étendant sur 2900 km entre la croûte et le noyau terrestre.

D'un point de vue chimique, la péridotite se caractérise par une forte teneur en magnésium et en fer, comparativement aux roches classiquement rencontrées dans la croûte terrestre, plus riches en silice et en aluminium. En effet, l'olivine est constituée d'un réseau d'atomes de silice et d'oxygène (c'est ce qu'on appelle un silicate) sur lequel s'organisent des atomes de magnésium et, en un peu moindre quantité, de fer. Sa formule est (Mg,Fe)2SiO4. Les pyroxènes sont également des silicates de fer-magnésium (+/- aluminium-calcium).

Lorsqu'elle est "fraiche", c'est-à-dire non altérée par des fluides, ses minéraux constitutifs sont bien identifiables par leurs propriétés optiques. Sur l'image de gauche, l'olivine se distingue facilement par sa couleur vert clair à jaunâtre et sa transparence. Quant aux pyroxènes, ce sont les minéraux brillants, présentant des teintes plus foncées sur l'image.

Cependant, il n'a jamais été échantillonné, en domaine océanique, des péridotites aussi fraiches. En effet, en l'absence d'apports magmatiques basaltiques, l'extension à l'axe des dorsales peut être accommodée par le jeu de grandes failles qui plongent en profondeur dans la croûte terrestre jusqu'au manteau, permettant ainsi la remontée des péridotites mais aussi la pénétration de l'eau de mer. Ainsi, avant même d'atteindre la surface, les péridotites commencent à réagir en profondeur avec l'eau de mer qui s'est réchauffée pendant sa descente. La minéralogie de la péridotite est alors modifiée et elle acquiert une teinte vert sombre, plus homogène, avec par endroits des restes plus "frais" (plus clairs), comme observé sur les échantillons dragués (image de droite). C'est ce qu'on appelle le processus de serpentinisation. Mais ça, c'est encore une autre histoire ! A suivre?

mardi 12 octobre 2010

L'art de la drague

Avant-hier, le TOBI a connu de nouveaux problèmes techniques. Il a dû être remonté à bord pour effectuer les réparations nécessaires. Cela nous a conduit à avancer les opérations de dragage prévues pour plus tard.

Le dragage permet, comme les forages, d'échantillonner le matériel du  plancher océanique. Alors que les forages remontent une colonne de  roche en un point précis, les dragages récupèrent des blocs  superficiels arrachés au plancher océanique le long d'un profil.

L'opération consiste à trainer une nasse lestée derrière le navire.  Son ouverture est dentée afin d'accrocher les blocs qui dépassent. Un tube plus fin permet de recueillir les sédiments non indurés (argiles,  sables). La tension du câble est surveillée le long du profil. Elle indique lorsque la nasse atteint, ou quitte, le fond ou lorsqu'elle  est retenue par une aspérité rocheuse. Dans ce dernier cas, la valeur  de la tension augmente progressivement puis diminue brutalement si des  blocs se détachent. L'amplitude de ces pics renseigne sur l'importance  des accroches et donc sur la quantité probable de matériel récupéré. Un profil est généralement réalisé en remontant les pentes des rides sous-marines.

Les blocs remontés à bord par la drague sont ensuite triés et inventoriés. Ils sont photographiés et pesés. Les échantillons sont  séparés par type et pesés. Les plus intéressants sont sciés, numérotés, photographiés et décrits.
A ce jour nous avons réalisé 5 opérations de dragage. Les profils sont situés au sud de l'axe de la dorsale sud-ouest indienne sur la plaque Antarctique sur des reliefs de type "smooth seafloor" supposé. Des quantités variables de roche ont été récupérées, allant d'une dizaine à plusieurs centaines de kilogrammes par drague. Elles ont mis au jour des péridotites plus ou moins serpentinisées, des sédiments, des brèches sédimentaires, des gabbros... et un poisson.
Stéphane Rouméjon

lundi 11 octobre 2010

Blog de Roger

Je suis Roger Searle, un professeur à Durham University au nord de l'Angleterre. J'ai étudié les rides médio-océaniques pendant 39 ans, en particulier les rides à taux d'expansion lents et ultra-lents. J'ai beaucoup d'expérience dans l'utilisation des sonars latéraux pour imager le fond de la mer; ceci permit de mieux comprendre les processus de la genèse des plaques tectoniques. Par exemple, on peut facilement imager les volcans du fond des océans, qui montrent les endroits où arrive le magma - c'est à dire la roche en fusion qui se forme si le manteau remonte pour remplir l'espace entre les plaques qui se séparent. Egalement, on peut imager les grandes falaises qui se forment à l'endroit des grands fractures créées quand les plaques s'écartent. Je m'intéresse aussi aux petites variations du champ magnétique, qui enregistrent l'expansion des plaques pendant que le champ magnétique de la Terre s'inverse de temps en temps. Ceci donne une mesure du taux d'expansion, et nous permet de mesurer, par exemple, le degré d'asymétrie des processus. Pendant la mission SmoothSeafloor, j'aide Dan Sauter dans le traitement des images TOBI. Avec Adrien, j'étudie aussi les données magnétiques.

Quand je ne travaille pas, j'aime écouter de la musique (classique, et  aussi quelques choses de plus moderne comme Bob Dylan, Dire Straits,  Queen...) sur l'IPOD, lire des livres (maintenant "Suite Française"  par Irène Némirovsky, et après cela un roman marin de Patrick O'Brian).

samedi 9 octobre 2010

Un petit focus sur la bathymétrie

Poursuivre la cartographie bathymétrique de la dorsale Sud Ouest Indienne est l'une des taches que s'est fixée la campagne Smoothseafloor. Tout comme avec le TOBI, l'objectif est d'affiner notre connaissance de la structure du plancher océanique et par la même de la tectonique et du fonctionnement de l'ouverture, à grande échelle tout comme dans le détail.
Le N/O Marion Dufresne est équipé d'un sondeur multifaisceaux Sea Falcon 11 (TSM 5265B) qui permet précisément l'acquisition de la bathymétrie fine. Il intègre en temps réel dans son fonctionnement les informations issues de la centrale d'attitude du navire (verticale, roulis, tangage, cap, vitesse du bateau) et de la centrale de navigation (latitude, longitude). Compte tenu de la zone étudiée, le sondeur est utilisé en mode grands fonds, dans les gammes 4000 m et 5000 m. Le sondeur émet simultanément sur 5 faisceaux adjacents sub-parallèles, perpendiculaires à la route du navire. Chacun de ces 5 faisceaux correspond à une fréquence d'émission spécifique voisine de 12 kHz, le faisceau central étant le plus puissant. La réception des signaux acoustiques du sondeur est assurée par 5 panneaux identiques, disposés de manière transverse au bateau. Cette antenne de réception est composée de 3 sous-antennes, une centrale, comportant 1 seul panneau, et deux autres à babord et tribord respectivement, avec 2 panneaux chacune.
L'émission-réception simultanée sur 5 faisceaux permet de multiplier par 5 le nombre de données dans le sens d'avancée du navire et ainsi d'avoir un échantillonnage, et donc une résolution, équivalent en X et en Y, pour une vitesse du navire de l'ordre de 13 à 14 Nds. Cette résolution sur le fond est de l'ordre du centième de la hauteur d'eau. Les profondeurs d'utilisation minimale et maximale sont de 100 m et 11000 m respectivement. La couverture transversale est de 12 km environ pour 3000 m de fond.
Pendant Smoothseafloor, l'originalité du travail réside dans le fait que nous utilisons le sondeur dans un mode inhabituel, à savoir à une vitesse du navire très réduite, simultanément au levé TOBI. Ceci permet d'accroitre considérablement la densité des sondes et par voie de conséquence la résolution de la cartographie sur le fond. Il est possible ainsi d'atteindre la résolution de 20m, voire même de 10m après nettoyage des données et traitement des artéfacts, ce qui est remarquable compte tenu de la profondeur moyenne, de l'ordre de 4500m, de la zone dans laquelle nous travaillons.

vendredi 8 octobre 2010

Quelques frayeurs nocturnes

Cette nuit nous avons rencontré un problème du coté du TOBI. Le câble de connexion du dérouleur (qui nous donne la longueur de cable acier reliant le navire et le TOBI) s'est coincé dans la poulie supportant le câble acier du TOBI. Ce qui a eu pour conséquence la perte de l'information sur la longueur de câble acier filée, information très importante car elle permet de définir un positionnement pour le TOBI et donc de pouvoir géoréférencer correctement les images enregistrées.

Seule solution envisageable, la remontée du TOBI, ou plus précisément du lest du TOBI, afin d'effectuer les réparations du câble de connexion. Celles-ci ont été réalisées vers 06h00 du matin avec le lest du TOBI à bord et le TOBI tracté à environ 100m derrière le navire. Après cela, le lest a été remis à l'eau et l'on a pu
redescendre le TOBI vers le fond pour acquérir de nouvelles images.

mercredi 6 octobre 2010

Premiers levés TOBI (06 octobre)

Nous sommes arrivés sur notre première zone d'étude hier. Cette zone est localisée dans la vallée axiale de la dorsale sud-ouest indienne vers 28°S et 62°E. Les dorsales océaniques à taux d'ouverture lent, et celles à taux ultra-lent en particulier, sont caractérisées par la présence d'une vallée axiale à la limite des deux plaques qui s'écartent l'une de l'autre (ici la plaque Afrique et la plaque Antarctique). En revanche, les dorsales à taux plus rapide, comme la dorsale Est-Pacifique, sont caractérisées par un large bombement bathymétrique à la frontière de plaque.
Contrairement à la vision traditionnelle des dorsales océaniques comme  un système essentiellement volcanique, la partie orientale de la  dorsale sud-ouest indienne montre des grandes zones de plusieurs  dizaines de km de long sans évidence d'édifice volcanique. Les cartes bathymétriques les plus précises en notre possession (avec une  résolution de l'ordre d'une centaine de mètres) montrent des grandes rides de plus de 2 km de hauteur avec une texture, une rugosité, très faible sans aucun indice d'édifice volcanique. Quelques dragages sur  le plancher océanique dans ces zones suggèrent qu'elles soient constituées de roche du manteau. Mais comment ces roches du manteau  formées à quelques km de profondeur ont-elles été mises en place ? C'est une des questions que nous essayons de résoudre en collectant de nouvelles images du plancher non plus avec une résolution de l'ordre de 100m mais avec une résolution de l'ordre de 5m.

Enregistreur  TOBI
L'acquisition de ces images est réalisée par un sonar de fabrication anglaise appelé TOBI (http://www.noc.soton.ac.uk/nmf/usl_index.php?page=tb). Cet engin de plus de 2 tonnes est remorqué proche du fond (à environ 500 à 600m d'altitude) par le Marion Dufresne à vitesse très faible (2 à 3 noeuds). Toutes les 4 secondes le TOBI envoie une onde vers le plancher océanique qui la modifie et la renvoie vers le sonar. Celui-ci enregistre cette onde pour construire des images du relief du plancher océanique à une résolution de l'ordre de 5m. Ces images successives forment des bandes d'environ 6 km de largeur. Nous avons prévu de collecter ces bandes sur 4 profils parallèles de 60 km de long afin de couvrir toute la largeur de la vallée axiale sur une surface de près de 1500 km2. Il faut 20H pour faire l'acquisition d'une telle bande d'images sonar.

Image  TOBI

Pour l'instant nous n'en sommes qu'à la fin du 1er profil et les résultats sont déjà très intéressants. Nous avons pu observer de très nombreuses failles et ici ou la des formes circulaires qui pourraient être de rares volcans, mais c'est surtout une grande zone d'aspect très homogène qui nous intrigue. Celle-ci fera l'objet de tentatives de dragage afin de déterminer la nature des roches qui la constituent.
Dans 4 jours nous aurons complété la cartographie de notre première zone d'étude et nous pourrons nous faire une première idée de la nature de ces surfaces non volcaniques au fond de la vallée de la dorsale sud-ouest indienne.

lundi 4 octobre 2010

A bord du Marion Dufresne le 04 octobre

Nous faisons route vers notre zone d'étude où nous arriverons demain matin vers 6H heure locale. Nous avons profité de ce long transit de plus de deux jours pour installer les labos, constituer les quarts et organiser la vie à bord ainsi que discuter entre nous du plan de route détaillé pour la campagne. Ceux parmi nous qui travaillent déjà sur la dorsale sud-ouest indienne ont également présenté le résultat de leurs travaux à ceux qui ne connaissent pas encore bien cette zone.

Nous n'avons pas fait route directe vers notre zone d'étude depuis La Réunion mais avons fait un très léger crochet par la trace nord du point triple de Rodrigues (voir la carte des routes de la campagne).
Cette trace est la limite, sur la plaque Afrique, entre le domaine mis en place à l'axe de la dorsale sud-ouest indienne et le domaine mis en place à l'axe de la dorsale centrale indienne. Il existe une autre trace sur la plaque Antarctique entre le domaine sud-ouest indien et est-indien. Ces traces ainsi que les axes des trois dorsales de l'océan indien (sud-ouest, centrale et est indienne) se rencontrent au point triple de Rodrigues vers 25°S 70°E, point de jonction entre les plaques Afrique, Asie et Antarctique. La surface de la plaque Afrique augmente grâce aux dorsales qui l'entourent (comme la dorsale médio atlantique, la dorsale sud-ouest indienne, la dorsale centrale indienne etc..). La trace du point triple de Rodrigues sur cette plaque Afrique est simplement la limite entre les domaines mis en place par deux des dorsales qui l'entourent.

Un long profil Nord-Sud depuis la trace du point triple sur la plaque Afrique jusqu'à la vallée axiale de la dorsale sud-ouest indienne va ainsi nous permettre de collecter des données depuis une zone qui a enregistré la naissance de la dorsale sud-ouest indienne (il y a environ 40 Ma dans cette zone) jusqu'à l'axe actuel de la dorsale. Nous allons notamment enregistrer et identifier la succession des anomalies magnétiques le long de ce profil, ce qui va nous permettre de dater le plancher océanique et de calculer la variation du taux d'ouverture de la dorsale sud-ouest indienne depuis 40 Ma. En effet si la principale caractéristique de cette dorsale est d'être ultra-lente (c'est-à-dire de s'ouvrir avec un taux d'environ 14mm/an) nous savons que son taux a varié dans le temps et qu'elle n'a pas toujours été ultra-lente.

A la fin du profil Nord Sud, nous mettrons à l'eau le sonar latéral TOBI qui nous permettra de collecter des images du plancher océanique avec une résolution de l'ordre de 5m. Ceci fera l'objet d'un prochain message.
(Photo : Une partie de l'équipe scientifique)

dimanche 3 octobre 2010

Le départ

Nous avons quitté Le Port hier vers 07h15 TU (11h15 heure de la Réunion, 09h15 heure française) par beau temps quoiqu'un peu venté. 

Après avoir effectué des tests moteur dans les environs de la Réunion, nous avons pris la route à ~11h30 TU vers notre zone d'étude. Actuellement, nous faisons route vers notre premier point de relevé de
la campagne situé à 24°44.36'S et 60°00.91'E.